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HONG KONG MADNESS
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12 avril 2013

LE SYNDICAT DU CRIME

Titre
RÉALISÉ PAR ... JOHN WOO.
PRODUIT PAR ... TSUI HARK.
ÉCRIT PAR ... JOHN WOO.
MUSIQUE COMPOSÉE PAR ... JOSEPH KOO.

TI LUNG ... Sung Tse Ho.
LESLIE CHEUNG ... Sung Tse Kit.
CHOW YUN-FAT ... Mark Lee.
WAISE LEE ... Shing.
EMILY CHU ... Jackie.
KENNETH TSANG ... Ken.

Ho, un membre réputé des Triades, forme une équipe efficace avec son ami Mark Lee, et le novice Shing. Néanmoins, lorsqu'il apprend que son frère Kit, a qui il a toujours caché ses activités, est accepté à l'école de police, il décide de se ranger. Lors de son dernier coup, à Taïwan, il est trahi et la police l'emprisonne. Lorsqu'il en sort, il aura pour seul objectif que de regagner la confiance de celui-ci.

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LE SYNDICAT DU CRIME peut être légitimement considéré comme le film le plus important de l'histoire du cinéma hong-kongais. S'il est souvent considéré, en partie à juste titre, que ce sont les films de Bruce Lee et les oeuvres de Chang Cheh qui ont permis a celui-ci de trouver la gloire jusqu'en Europe et en Amérique, c'est en réalité au SYNDICAT DU CRIME que tout le mérite de cette gloire revient. Sans LE SYNDICAT DU CRIME, le cinéma hong-kongais tel qu'on le connait n'aurait jamais vu le jour. Film fondateur et révolutionnaire, il marque, en 1986, le début d'un nouveau cinéma hong-kongais, d'un âge d'or pour l'industrie cinématographique de la colonie britannique qui, à ce jour, n'a encore jamais été égalé. Le film révolutionnera en profondeur le marché cinématographique hong-kongais, puisqu'il en changera profondément les modes mais aussi les préférences du public et les standards de qualité. Rappelons qu'en 1986, le cinéma hong-kongais est en plein essoufflement. La nouvelle vague initiée par Tsui Hark en 1979 avec THE BUTTERFLY MURDERS s'est elle-même essoufflée au début des années 1980, et à l'exception des oeuvres de la bande à Sammo Hung et Jackie Chan, aucun espoir de renouveau pour le cinéma hong-kongais ne s'annonce. C'était sans compter sur Tsui Hark, qui, en 1986, rencontre John Woo, sans conteste le réalisateur le plus connu de Hong Kong. Celui-ci connait à l'époque de sérieux problèmes artistiques : son dernier film en date, LES LARMES D'UN HÉROS, à été sabordé par la Golden Harvest, qui l'a remonté et qui y a implémanté des scènes comiques pour atténuer la violence originelle du métrage. Pire encore, en 1985, la Golden Harvest refuse catégoriquement de sortir le film. Déprimé après des années passées chez cette dernière à réaliser des comédies ou des films d'arts martiaux qui, la plupart du temps, ne l'intéressent pas (exception faite pour LA DERNIERE CHEVALERIE (1979), PRINCESSE CHANG PING (1976), PLAIN JANE TO THE RESCUE (1982) ou LES LARMES D'UN HÉROS justement), sa rencontre avec Tsui Hark aura vite fait de le requinquer. Le John Woo qu'on connait, le grand réalisateur de THE KILLER et d'UNE BALLE DANS LA TÊTE, vient alors de naître.

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Tsui Hark à lui-même de sérieux problèmes à l'époque. Ses trois premiers films (THE BUTTERFLY MURDERS (1979), HISTOIRES DE CANNIBALES (1980), L'ENFER DES ARMES (1980)) ont tous été des échecs publics et se sont parfois attirés les foudres de la censure. De même, ZU, LES GUERRIERS DE LA MONTAGNE MAGIQUE (1983) et SHANGHAI BLUES (1984), en dépit de leur importance cinématographique, ont tous deux été des échecs commerciaux. De ce mal est venu un bien néanmoins : Tsui Hark, exaspéré par l'attitude des studios de production, forme en 1984 le Film Workshop, une compagnie de production dont les ambitions sont sans précédent : Hark veut y réunir les plus grands réalisateurs, scénaristes, acteurs et techniciens de Hong Kong pour révolutionner de fond en comble son industrie et sa production cinématographique. En 1986, Hark prend John Woo sous son aile et produit pour lui son premier grand film : LE SYNDICAT DU CRIME. Résultat des visions révolutionnaires pleines d'ambition de deux génies fous furieux, celui-ci, au-delà de son succès incroyable, révolutionna le cinéma hong-kongais (en même temps que PEKING OPERA BLUES (1986) de Tsui Hark) par bien des aspects. Le premier, et le plus notable, c'est que le film est véritablement fondateur d'un genre nouveau et exclusif au cinéma cantonais : l'heroic bloodshed. Le genre pourrait très bien être résumé aux polars de John Woo, tant celui-ci est le résultat brut de toutes les obsessions posées sur pellicule de ce dernier. Le genre, sommairement, met en scène des personnages héroïques qui évoluent dans des situations extrêmement dramatiques, épiques et shakespeariennes, qui laissent place à des fusillades irréels à la violence stylisée et exacerbée. Les personnages d'heroic bloodshed se rapprochent d'ailleurs énormément de figures iconiques du Wu Xia Pian. En l'occurence, en fondant le genre, c'est à son maître Chang Cheh que John Woo rend ouvertement hommage, mais aussi à Jean-Pierre Melville et à Sam Peckinpah.

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John Woo commença sa carrière chez Chang Cheh, justement, en tant qu'assistant-réalisateur. Celui-ci avait, avec des oeuvres comme UN SEUL BRAS LES TUA TOUS (1967) ou LA RAGE DU TIGRE (1971), complètement masculinisé un genre pourtant très féminin : le Wu Xia Pian, équivalent chinois du film de chevalerie ou de capes ou d'épées. Bien qu'il ait toujours renié son homosexualité, Chang Cheh présentait fréquemment dans ses films des personnages masculins très androgynes qui entretiennent entre eux des "amitiés viriles", des relations très proches de l'homosexualité en somme. Influencé par Chang Cheh, mais aussi par Melville et Peckinpah qui, dans leurs films, présentaient aussi des personnages masculins entretant des amitiés viriles, John Woo livre avec LE SYNDICAT DU CRIME un véritable film d'homme. Seulement là ou chez Chang Cheh, "film d'homme" était aussi souvent synonyme de machisme (les femmes y sont soit en second plan soit véritablement horribles moralement), chez John Woo, le tout sert constamment la dimension épique du métrage et sa portée émotionnelle. Pour autant, le film se construit intégralement comme un hommage constant aux films sur le sabreur manchot de l'illustre Chang Cheh. Sans en dire trop, c'est une histoire de rédemption, de vengeance et de déchéance, qui suit à la lettre le schéma narratif de films comme LA RAGE DU TIGRE et qui adapte littéralement les codes du Wu Xia Pian tels qu'ils ont été imposés par l'ogre dans les années 1960-1970 aux exigeances du polar urbain. Le résultat est à l'époque complètement inattendu : c'est LE SYNDICAT DU CRIME, un film qui mêle naturalisme et baroque, réalisme et romantisme, violence et lyrisme... Nombreux sont les détracteurs de John Woo, qui le considèrent comme un maniériste sans véritable intelligence, et pourtant, LE SYNDICAT DU CRIME est une oeuvre qui, à tous les niveaux, fait preuve d'une grande subtilité, mais aussi d'une grande intelligence dans la manière dont elle détourne les codes narratifs mais aussi visuels d'un genre alors en plein esssoufflement pour trouver sa propre identité artistique. Finalement, LE SYNDICAT DU CRIME peut être vu comme une modernisation sauvage et soudaine du Wu Xia Pian, comme un objet cinématographique difficile à définir qui ancre un genre pourtant très codifié dans un contexte spatial, temporel, mais aussi social et politique, complètement distinct de celui auquel il est généralement soumis.

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Dès lors, on ne sera pas surpris de retrouver dans le film des représentations propres au Wu Xia Pian façon Chang Cheh alors que celui-ci s'ancre de toute évidence dans un contexte plus réaliste. Au-delà du choix de Ti Lung pour jouer le rôle principal (il fut pendant longtemps l'acteur de prédilection de l'ogre, avec David Chiang), et de deux autres acteurs quelques peu androgynes pour les deux autres rôles les plus importants du film, Chow Yun-Fat et Leslie Cheung, impossible de ne pas voir dans le choix de John Woo de romancer complètement les Triades une volonté évidente de les rapprocher des personnages chevaleresques des films de la Shaw Brothers. Pour autant, il ne faudrait pas croire que le regard porté par Woo sur les Triades est faussé, puisque s'il romance ses personnages de gangsters les plus nobles de manière constante, il n'hésite pas à porter un regard plus dur sur les antagonistes de son métrage, et le fait que le film prenne complètement le parti du personnage de Ho de se ranger et de rester loin du milieu criminel devrait en dire long à ce sujet... De même, s'il est souvent cru que John Woo dématérialise la violence et la mort en les stylisant au travers de ralentis sublimes, en réalité, il les exacerbe, non seulement dans une optique de les rendre plus fortes et plus épiques, mais aussi afin d'en montrer l'horreur et l'absurdité. LE SYNDICAT DU CRIME, comme toutes les oeuvres de John Woo (à part les plus radicales comme UNE BALLE DANS LA TÊTE (1990) et A TOUTE ÉPREUVE (1992).), joue en permanence sur de telles ambiguités, et l'homosexualité des personnages ne fait pas exception. Celle-ci n'est jamais clairement définie, mais impossible de ne pas voir filtrer dans la relation qu'entretient Ho avec son comparse Mark une dimension presque homosexuelle. Au-delà du physique des acteurs qui les interprètent, leurs comportements vis-à-vis de l'un et de l'autre sont révélateurs d'une séxualité ambivalente, qui, si elle n'est jamais véritablement explicitée, à bel et bien son écho dans le film. Ici aussi, difficile de ne pas voir un autre hommage à un des maîtres spirituels de John Woo, l'illustre Enzo G. Castellari et à son STREET LAW (1974), sans doute un des premiers films à pousser aussi loin la notion d'amitié virile.

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Malgré leur homosexualité très souvent suggérée, et ce, autant par la narration que par la réalisation, les personnages font néanmoins preuve d'un charisme viril et bien masculin, en dépit de leur physique parfois très effeminé. Le personnage le plus représentatif de cette nouvelle ambivalence, c'est celui de Chow Yun-Fat, équivalent hong-kongais d'Alain Delon (si ce n'est que Chow Yun-Fat a plus qu'une gueule, mais est aussi un très grand acteur), qui interprète ici la figure immédiatement iconique de Mark Lee. Cause principale du succès monumental du SYNDICAT DU CRIME, celui-ci envouta littéralement les foules à l'époque de sa sortie et s'imposa quasiment automatiquement comme une des figures les plus iconiques et charismatiques du cinéma hong-kongais. Véritable visage des oeuvres de John Woo, il en est toujours l'icône, merci à sa "coolness" évidente, mais aussi à son charisme agressif, qui, s'il est très prononcé (il n'y a qu'a voir FULL CONTACT (1993) de Ringo Lam pour s'en convaincre), laisse toutefois place à des traits quelque peu effeminés et à un physique qui, à l'époque, tout pour charmer la gente féminine hong-kongaise. Acteur de prédilection de John Woo, il est dès LE SYNDICAT DU CRIME, un moyen pour lui de détourner les attentes du spectateur... En effet, si on se rappellera tous du frimeur cool en imperméable infiminement charismatique qu'il interprète en début de film, Mark Lee est aussi le premier personnage du film à subir la déchéance et devient dès le début du film une espèce d'incarnation nouvelle du sabreur manchot. Handicapé, réduit à la pauvreté honteuse, le personnage de Mark est d'autant plus iconique qu'il brave toutes ses difficultés pour enfin parvenir à se hisser au niveau d'héros épique et shakespearien qu'on attend d'un tel rôle. En créant le personnage de Mark Lee, John Woo crée le personnage du "flingueur manchot" (enfin, pas vraiment, mais on va peut-être pas trop en dire) finit d'adapter son polar aux exigeances du Wu Xia Pian (et inversement), mais, dans le même temps, il détourne complètement celles-ci. Avoir fait de Mark Lee, en dépit de son charisme et de son statut dans le film, un personnage secondaire est un premier pas... Le deuxième, c'est d'avoir fait de Ti Lung, habituellement le sidekick du héros infirme dans les productions de la Shaw Brothers, le personnage principal du film. John Woo joue constamment sur les attentes et les codes, et pas seulement dans LE SYNDICAT DU CRIME, mais s'il y a bien une chose qui détermine et caractérise l'importance et l'influence de celui-ci, d'un point de vue narratif, sur le cinéma hong-kongais, c'est ça.

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Si Mark Lee est le symbole le plus représentatif du SYNDICAT DU CRIME, il ne faudrait néanmoins pas oublier les autres personnages, tous brillament dépeints par John Woo. Celui-ci livre des portraits très subtils de ses personnages, troublés et obscurs, et ceux-ci sont en permanence au centre des enjeux du film. Woo passe une heure et demi à faire le portrait de ces personnages complexes et pour cela, les fait évoluer dans des situations toutes aussi complexes et dans des gunfights spectaculaires ou leur héroïsme se révèle rééllement. En attachant constamment autant d'importance à ses personnages, John Woo fait de son film une oeuvre à la portée émotionnelle très forte, un film bouleversant qui, par son traitement épique de son histoire et de ses personnages, plonge le spectateur directement au coeur des enjeux et des préoccupations de ce dernier. Tout est fait dans LE SYNDICAT DU CRIME, et dans l'intégralité de la filmographie de John Woo, pour faire ressortir les émotions les plus pures chez le spectateur. Pour cela, il emploie des procédés narratifs forts et puissants : dans LE SYNDICAT DU CRIME, l'héroïsme est puni, la rédemption et le pardon complètement inaccessibles, la violence et la mort inévitables et la loyauté est toujours vaincue par la trahison et l'avarice. Oeuvre romancée mais aussi profondément nihiliste, LE SYNDICAT DU CRIME est une oeuvre dont la noirceur implacable n'est pas sans rappeler celle des oeuvres de Jean-Pierre Melville et de Sam Peckinpah, et qui est ici utilisée à très bon escient pour quitter le spectateur sur un véritable K.O. émotionnel... Si LE SYNDICAT DU CRIME n'est pas vraiment l'oeuvre la plus bouleversante du maître, loin de là, elle offre quand même son quota d'émotions, et en montrant l'humanité et l'héroïsme de personnages pourtant très violents, s'impose comme un spectacle aussi choquant que réjouissant. Cela ne serait pas possible si John Woo n'accordait pas tant d'importance à ses personnages, sur lesquels il ne porte jamais de jugement et, tout en les romançant, n'hésite pas à montrer le mauvais en eux... Quitte à faire par moments d'un des deux personnages principaux un véritable antagoniste symbolique, ou à l'inverse, de faire d'un personnage sympathique un traitre agaçant et hypocrite. Woo ne cache rien, et si LE SYNDICAT DU CRIME est bel et bien une oeuvre épique et romancée, elle ne cache rien de la réalité des choses. Derrière la naïveté de John Woo qui transparait de ses propos idéalistes sur l'amitié, la fraternité et les liens familiaux, qui, selon lui, ne peuvent pas être brisés (comme le montre le plan final), se cache en réalité une vision très noire de l'humanité.

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Pour autant, John Woo demeure un éternel optimiste, par ailleurs révélé par le tître anglais du film : A BETTER TOMORROW... Un meilleur lendemain, oui, en tout cas, c'est ce que John Woo espère, et pour continuer d'espérer, il ne nous montre jamais le lendemain en question et, à l'aune de sa conclusion, fige l'image sur le fin mot de l'histoire, comme s'il voulait dire que si tout ce qu'il attend est que les choses s'améliorent, rien n'est plus incertain... Rappelons qu'a l'époque, les Triades terrorisent littéralement Hong Kong (ce qui fait du SYNDICAT DU CRIME une oeuvre très subversive puisqu'il s'agit d'une des premières fois, à ma connaissance du moins, que celles-ci seront romancées à un tel extrême) et que la situation criminelle, couplée à la rétrocession prochaine d'Hong Kong à la Chine, ne semble pas prête de s'améliorer. Le contexte social et politique est on ne peut plus troublant, et troublé, et LE SYNDICAT DU CRIME se pose aussi comme un état des lieux sans concession, qui comforte le film dans une noirceur incroyable. Aussi optimiste soit-il, John Woo ne se voile pas la face, et l'espoir dans ses oeuvres laisse souvent place à la plus amère désillusion. LE SYNDICAT DU CRIME ne fait pas exception. Pour autant, le message de A BETTER TOMORROW peut aussi trouver son écho dans la situation du cinéma hong-kongais en 1986. Rappelons que si à l'époque, il est complètement essoufflé, LE SYNDICAT DU CRIME aura vite fait de le relancer et d'initier la période la plus florissante, économiquement comme artistiquement, du cinéma de la colonie britannique. A BETTER TOMORROW? Carrément oui, et contrairement à ce qui est cru, Tsui Hark n'est pas le seul initiateur de cette nouvelle vague à l'influence spectaculaire. Tsui Hark n'aurait jamais eu la gloire et la liberté qu'on lui connait si John Woo n'avait pas révolutionné le cinéma avec LE SYNDICAT DU CRIME et THE KILLER, et, à l'inverse, John Woo n'aurait jamais rien fait de plus que LES LARMES D'UN HÉROS si Tsui Hark ne l'avait pas tiré hors du schéma créatif laborieux de la Golden Harvest et ne lui avait pas donné sur un plateau doré une liberté artistique qu'il perdra en 1993 pour ne la retrouver qu'en 2008 avec LES TROIS ROYAUMES. Tout ça pour dire que LE SYNDICAT DU CRIME n'est pas la révolution que d'une seule personne. C'est le mix des esprits tarés de deux génies révolutionnaires qui ont, ensemble, assassiné l'industrie cinématographique de l'époque afin de mieux utiliser les gravats fumants qui en sont restés pour reconstruire un cinéma mourant.

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On aurait toutefois tort de résumer LE SYNDICAT DU CRIME à une révolution narrative, puisqu'avant tout, celui-ci investit les codes visuels du genre qu'il exploite pour les faire littéralement exploser et mieux poser de nouveaux standards. Soyons clair, LE SYNDICAT DU CRIME est le premier pas vers la révolution totale qu'ont été THE KILLER et A TOUTE ÉPREUVE pour le cinéma d'action. John Woo y pose toutes les bases de son style visuel : outre le fait que ses personnages y sont constamment valorisés par la caméra, c'est surtout dans les scènes d'action que celui-ci se pose comme singulier et complètement original. Woo y reprend les bases posées par Peckinpah dans LA HORDE SAUVAGE (1969) et par Castellari dans KEOMA (1976), à savoir un usage fréquent du ralenti pour exacerber la mort et la violence, et les transcende complètement au-delà de toute espérance. Le ralenti n'a jamais été plus beau que chez John Woo, et il signe dans LE SYNDICAT DU CRIME plusieurs des plus belles fusillades de l'histoire du cinéma. La plus belle scène du film, une fusillade dans un restaurant, se pose comme un petit chef d'oeuvre de 2 minutes 40, l'aboutissement total d'un style ou naturellement, la violence la plus percutante vient interrompre une soirée d'amusements et y poser la marque de la mort et de la vengeance. Montant chacune de ses scènes d'action comme un mini-opéra (le genre préféré de John Woo est la comédie musicale), celles-ci présentent une alchimie parfaite entre la brutalité et la puissance des visuels de Woo et la très sympathique musique de Joseph "bontempi" Koo. Mais au-delà des scènes d'action, LE SYNDICAT DU CRIME est également esthétiquement magnifique dans la mesure ou elle mélange au naturalisme des environnements urbains, -magnifiquement filmés par ailleurs-, des éléments complètement baroques. Éclairages éclatants, décors immenses, couleurs insolites, et violence exacerbée sont quelques-uns des éléments inhabituels que John Woo introduit au milieu du naturalisme de son oeuvre... En découle un mélange pas encore tout à fait abouti mais d'une grande efficacité et d'une incroyable beauté esthétique. Mais LE SYNDICAT DU CRIME, c'est aussi de grands acteurs, et si Chow Yun-Fat est ici, comme à son habitude, d'un grand charisme, on notera aussi d'autres performances incroyables de la part des autres acteurs. Ti Lung, notamment, tient ici son meilleur rôle, tout en subtilité et très intense dans son rôle. Leslie Cheung livre ici une excellente prestation et trouve la célébrité... Quand a Waise Lee, il est tout bonnement génial dans le rôle du grand antagoniste du film, même si là encore, tout n'est pas tout à fait abouti. On notera aussi, pour finir, la performance d'Emily Chu, seul personnage féminin du film, très bien mise en avant (la ou Chang Cheh n'en aurait rien eu à foutre d'elle), est excellente, et elle compose avec justesse un rôle touchant et attachant.

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Que dire d'autre? LE SYNDICAT DU CRIME est un chef d'oeuvre, et il ne représente même pas ce que John Woo a pu faire de mieux. Il pose complètement les bases de son style, mais s'impose aussi comme l'oeuvre fondatrice d'un des genres hong-kongais les plus populaires : l'heroic bloodshed, genre dans lequel John Woo signera ses plus grands films. LE SYNDICAT DU CRIME n'atteint pas la puissance émotionnelle d'UNE BALLE DANS LA TÊTE, ni la maîtrise incomparable d'A TOUTE ÉPREUVE ou le lyrisme de THE KILLER, certes... Pour autant, il se hisse sans difficulté dans ce que le cinéma hong-kongais et le polar à pu produire de mieux : c'est une oeuvre puissante émotionnellement, brillamment mise en scène et interprétée, qui à chaque instant révolutionne par son ambition et son traitement visuel tout ce qui s'est fait avant. Jouant autant avec les codes du Wu Xia Pian que du polar, John Woo signe ici un de ses meilleurs films mais aussi une oeuvre d'une importante incommensurable. Le cinéma hong-kongais n'aurait jamais pu devenir ce qu'il est maintenant sans ce film. Peu nombreux sont les oeuvres capables, à elles seules, de ressusciter un cinéma essoufflé tout en changeant de fond en comble les codes, les modes et les standards, et de se payer le luxe de s'imposer comme la nouvelle norme de qualité. Non content de signer un chef d'oeuvre, John Woo, en 1986, livre au cinéma hong-kongais le BETTER TOMORROW dont il avait tant besoin.

POUR ACCÉDER A LA GALERIE COMPLETE DU FILM, CLIQUEZ ICI.

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SI VOUS AVEZ AIMÉ CE FILM, VOUS AIMEREZ AUSSI...

  • LE SYNDICAT DU CRIME 2 (1987) / JOHN WOO
  • THE KILLER (1989) / JOHN WOO
  • UNE BALLE DANS LA TÊTE (1990) / JOHN WOO
  • A TOUTE ÉPREUVE (1992) / JOHN WOO
  • UN SEUL BRAS LES TUA TOUS (1967) / CHANG CHEH
  • LA RAGE DU TIGRE (1971) / CHANG CHEH

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POUR APPROFONDIR...
(Films très différents du film critiqué, mais qui permettent de mieux l'aborder et le comprendre)

  • LE SYNDICAT DU CRIME 3 (1989) / TSUI HARK
  • TIME AND TIDE (2000) / TSUI HARK
  • LE BRAS ARMÉ DE LA LOI (1984) / JOHNNY MAK
  • LE BRAS ARMÉ DE LA LOI 2 (1987) / MICHAEL MAK
  • THE WILD BUNCH (1969) / SAM PECKINPAH
  • LE SAMOURAÏ (1967)  / JEAN-PIERRE MELVILLE
  • STREET LAW (1974) / ENZO G. CASTELLARI

-ZE RING-

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Commentaires
Z
Suffit d'aller voir du côté du plus grand compositeur de films hong-kongais : le légendaire (et défunt =/ ) James Wong. Il a travaillé pour les plus grands : John Woo avec Une balle dans la tête et A toute épreuve, Tsui Hark avec Shanghai Blues, Peking Opera Blues, Swordsman 1 & 2, la saga Il était une fois en Chine et bien d'autres, Ching Siu-Tung avec Swordsman 2, la trilogie Histoires de fantômes chinois... Ses bandes-sons illustrent à merveille les films auxquelles elles sont rattachées et il propose souvent des bandes-sons magnifiques. Son travail chez John Woo est excellent, mais c'est surtout dans les productions de la Film Workshop (un studio de production fondé par Hark en 1984 pour révolutionner le cinoche HK, dans le cadre duquel il a réalisé tous ses films depuis Shanghai Blues et a produit de nombreux films de grands réalisateurs hong-kongais : Ching Siu-Tung, Yuen Woo-Ping, John Woo...) que ses musiques sont à tomber par terre.<br /> <br /> <br /> <br /> Je te redirige vers un extrait de The Lovers, ou l'on peut entendre sa sublime partition (composée avec Raymond Wong) :<br /> <br /> <br /> <br /> http://hkmadness.canalblog.com/archives/2013/04/14/26926618.html<br /> <br /> <br /> <br /> Raymond Wong aussi est excellent : ses compositions sur The Blade, Kung-Fu Hustle, Shaolin Soccer (entre autres) sont absolument incroyables. J'aime beaucoup Lowell Lo aussi (The Killer), Frankie Chan (The Butterfly Murders notamment), et bien d'autres...
H
Oui, leslie chung est vraiment poignant dans ce très beau polar, où il ne faut pas oublier la très belle musique...
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